Éislek inklusiv

Situation de départ:

L’inclusion sociale de tous les citoyens est LE grand défi de nos sociétés actuelles. Faute de réussir dans ce domaine, les argumentations d’extrême droite, la xénophobie et le racisme prendront de l’ampleur et mettront en danger une société ouverte et inclusive. L’arrivée massive de réfugiés au Luxembourg fin 2015 - début 2016 a rendu à nouveau attentif aux défis de l’inclusion sociale de ces personnes, mais la question se pose au-delà de ce phénomène, notamment à cause du vieillissement de la société[1]. Beaucoup de citoyens, à cause d’un changement de culture, d’un handicap ou d’une défaillance quelconque, ne suivent pas ou plus, perdent pédale et se voient confrontés à des problèmes qui les excluent de la communauté. De plus et dès le départ, « la société est un système très complexe et dynamique qui crée un problème structurel d’inclusion pour l’individu »[2]. Parmi les groupes qui subissent des exclusions, citons les réfugiés, les étrangers, les personnes âgées, les demandeurs d’emploi, les personnes handicapées, les enfants et jeunes, les familles nombreuses et monoparentales, les personnes à revenus modestes, …

Trop souvent combattre l’exclusion sociale signifie aujourd’hui encore mettre en place des mesures ciblées d’intégration sociale, souvent onéreuses. Or, intégration sociale n’est pas inclusion sociale.

La représentation graphique ci-dessus suggère que l’intégration se réalise par la mise en place de conditions spécifiques pour un sous-ensemble de citoyens, créant malheureusement à nouveau une certaine forme d’exclusion cette-fois-ci à l’intérieur du système. L’intégration est aussi un processus qui vise une participation ex post dans le cadre de la résolution de problèmes individuels (intégration professionnelle p.ex.).

Dans une société ou une commune inclusive, par contre, les conditions sont, dès le départ, telles que chaque citoyen, indépendamment de ses propres capacités et croyances, de son origine ethnique ou sociale, de son âge ou de son sexe peut participer pleinement.

Pour bien distinguer les différentes notions disons-le encore autrement : Au départ, il y a la société avec ses standards et ses normes et des personnes ou groupes qui sont « dedans » ou « dehors » (exclusion), voire en marge (marginalisation) par rapport à un mode de vie dominant. Face à la marginalisation et à l’exclusion, la société offre des aides (discrimination positive) et se donne des règles (législation) pour que chacun puisse être ou devenir membre de cette société (intégration sociale).

Mais en ce qui concerne le concept de l’intégration « …ce qui est ici premier est l’adaptation de la personne : si elle espère s’intégrer, elle doit, d’une manière assez proche de l’assimilation, se transformer, se normaliser, s’adapter ou se réadapter. Par contraste, une organisation sociale est inclusive lorsqu’elle module son fonctionnement, se flexibilise pour offrir, au sein de l’ensemble commun, un « chez soi pour tous ». Sans neutraliser les besoins, désirs et destins singuliers et les résorber dans le tout.

Ce « chez soi pour tous » ne serait toutefois que chimère s’il n’était assorti, dans tous les secteurs et tout au long de la vie, d’accompagnements et de médiations compensatoires, de modalités de suppléance ou de contournement. En bref, toute une gamme d’accommodements et de modalités de suppléance pour garantir l’accessibilité des dispositifs, ressources et services collectif. « Mettre dedans » ne suffit pas. »[3]

L’expérience montre aussi que les dispositifs du côté de la société ne sont pas toujours bien adaptés aux différents besoins de tous les membres ce qui limite l’accès à ces dispositifs et la participation active à la société. Une société inclusive par contre respecte les différences et particularités de tous[4]. L’acceptation de la diversité est une caractéristique essentielle d’une société inclusive. Le bien commun doit être une valeur primordiale qui motive tout citoyen à s’engager l’un pour l’autre. Ainsi peut se réaliser une participation autodéterminée de chaque citoyen à la société, objectif final de tout effort d’inclusion sociale.

Inclusion sociale et intégration sociale sont donc des notions complémentaires et la même complémentarité se retrouve entre le présent projet et d’éventuels plans communaux d’intégration (http://www.syvicol.lu/projets/plan-communal-integration).

Objectifs du projet:

Grâce à la mise en place d’une Agence de l’inclusion sociale au sein de la région Leader Éislek, les communes sont invitées à devenir plus inclusives. Dans une commune inclusive tous les citoyens, peu importe leur âge, leur origine, leurs compétences défaillantes ou handicaps, peuvent participer pleinement et de manière autodéterminée à la vie communale et sociétale. Réaliser l’inclusion sociale locale, c’est se concentrer sur et répondre aux besoins (de participation) de tous les citoyens au quotidien.

Concrètement cela signifie que le projet

  • contribuera à inclure les réfugiés ou étrangers et leurs enfants au niveau local, notamment en mettant à leur côté des personnes d’accompagnement facilitatrices (contact, traduction, accès, compréhension mutuelle, …)
  • contribuera à promouvoir l’inclusion sociale à l’école (aide aux devoirs à domicile p.ex.)
  • soutiendra la maîtrise du quotidien des populations défavorisées (aide administrative p.ex.)
  • contribuera à garder des personnes âgées, handicapées ou malades (migrants ou non) plus longtemps à domicile (visites pour activer et briser la solitude p.ex.)
  • favorisera la mise en place de solutions d’aide mixte (professionnels versus bénévoles, services versus citoyens)
  • contribuera à trouver des solutions pour que les jeunes ne doivent quitter leur commune ou région faute de logement

Mesures, actions, activités, initiatives et investissements prévues pour réaliser les objectifs:

Pour réaliser les objectifs cités, une instance spécifique est créée sous forme d’une agence de l’inclusion sociale. Les principes directeurs d’une agence de l’inclusion sociale sont : l’engagement, la solidarité et la diversité. L’agence de l’inclusion sociale vise in fine la création de lien social susceptible de faire émerger de l’engagement social au quotidien pour garantir à tout citoyen le bénéfice du coup de main nécessaire pour lui permettre de participer pleinement à la vie communale et sociétale. En cela, un renforcement du tissu social et la prévention de l’isolement devrait prévenir un certain nombre de problèmes. L’action de l’agence de l’inclusion sociale se démarque clairement de celle de l’office social ou d’autres services professionnels (Hellef Doheem/Help, Services scolaires, …). Ainsi, les citoyens ne peuvent pas faire appel à l’agence de l’inclusion sociale pour une aide à la résolution de problèmes sociaux, mais pour réaliser leurs souhaits de participation (Teilhabewünsche).

L’agence sera active dans les domaines suivants :

  • Sondages au niveau communal et dans la population pour analyser les besoins existants
  • Campagnes de sensibilisation à l’objectif d’une commune inclusive et promotion d’une culture solidaire
  • Mise en place de possibilités d’engagement citoyen (bénévolat, formations) dans le domaine social et solidaire (équipes d’entraide)
  • Promotion de toute initiative contribuant à rendre la commune plus inclusive (réseautage, modération, structuration de processus, animation et consolidation de projets existants)
  • Information, orientation et aide administrative (écrivain public) avec l’objectif de rendre les services existants accessibles
  • Promotion de la participation citoyenne (groupes de réflexion en rapport avec l’inclusion sociale locale)
  • Evaluation des actions

Le projet est conçu comme projet pilote avec un travailleur social (type bachelier en sciences sociales et éducatives) sur 1 an. Une formation complémentaire spécifique est à prévoir pour ce travailleur social étant donné que les méthodes à utiliser sont novatrices.

Mentionnons la méthode de la « Sozialraumorientierung » développée par Wolfgang Hinte et ayant fait ses preuves en Allemagne (https://www.uni-due.de/biwi/issab/sozialraumorientierung). Les cinq principes de l’orientation à l’espace social sont :




1. Orientation à la volonté et l’intérêt des parties prenantes


La volonté se définit comme la faculté de l'homme de se déterminer, en toute liberté et en fonction de motifs rationnels, à faire ou à ne pas faire quelque chose. Si je veux quelque chose, je suis prêt à faire un effort pour l’obtenir, de montrer donc de l’initiative propre (= 2e principe ci-après). Ainsi la volonté se distingue du simple désir, qui par ailleurs peut encore être légitime ou illégitime.


2. Soutien de l’initiative propre et d’une démarche autonome

Par nature, l’homme est libre. Cette liberté cependant n’est pas une liberté arbitraire, mais une liberté d’autonomie. Je me soumets moi-même (autos) à des lois (nomos) universelles, càd. valant pour tout le monde, et je m’y soumets parce que je les juge moralement légitimes.

3. Concentration sur les ressources (individuelles et de la communauté)

Avec le 2e et le 3e principe, il devient très clair que le soutien se base sur la complémentarité de l’aide proposée par l’Etat social et les efforts personnels.

4. Action communautaire globale au-delà de populations cibles bien définies ou de problématiques identifiées.

Le but primaire est le renforcement de la communauté par le développement et le soutien d’une solidarité vécue au quotidien.


5. Coopération et coordination

Par rapport aux services (spécialisés) existants, il ne s’agit pas de monter un système antagoniste, mais de viser un « mix d’aides » professionnelles et bénévoles par une coopération et une coordination ciblées.

Le projet se voit définit sur deux piliers à savoir le pilier LEADER et le pilier OLAI (PCI, plan communal d’intégration). La partie LEADER prendra en compte toutes les démarches décrites dans la description de ce projet, la partie OLAI prendra en compte les actions spécifiques définies en partenariats avec les acteurs du terrain.

Groupes cibles:
Il faut tout d’abord souligner que les migrants et les résidents luxembourgeois peuvent aussi bien être bénévoles que bénéficiaires.

Le présent projet vise toute la population communale et surtout: les réfugiés, les étrangers, les migrants[5]

D’autres populations font également partie du projet:

  • les personnes âgées,
  • les demandeurs d’emploi,
  • les personnes handicapées,
  • les enfants et jeunes,
  • les familles nombreuses et monoparentales
  • les personnes à revenus modestes, …

Remarquons que les caractéristiques de ces populations sont cumulables. On peut p.ex. être luxembourgeois ou étranger âgé, handicapé et à revenu modeste. Un enfant luxembourgeois ou étranger peut vivre dans une famille monoparentale, au chômage, …

L’idée de l’inclusion sociale se base sur toute la communauté.

Références par rapport à la stratégie de développement du GAL LEADER Éislek:

Le projet vise de manière générale le renforcement des liens sociaux (cohésion sociale[6]) par des efforts d’inclusion sociale à mettre en place et s’aligne donc entièrement aux objectifs spécifiques suivants de Leader.
Selon la stratégie « typesch Éislek », les faiblesses constatées pour la région Éislek sont les difficultés d’intégration des nouveaux arrivants, les difficultés d’inclusion sociale pour les personnes souffrantes d’un handicap et peu d’expériences dans le domaine d’inclusion sociale. Les opportunités se montrent cependant dans l’arrivée des nouveaux résidents qui permettront un développement de la diversité et de l’offre culturelle. Les objectifs visés par cette stratégie de développement furent celles de promouvoir les activités existantes dans ce domaine, de développer des nouveaux services, de renforcer le bénévolat et d’améliorer la participation de tous à la vie sociale, culturelle et sportive.

Le projet ci présent essaie bien de répondre à toutes ces attentes et à développer une population inclusive.

Caractère innovateur du projet:

Le caractère innovateur du projet réside dans la mise en place d’une approche différente voire nouvelle de la problématique des inégalités, des discriminations et de l’exclusion sociale dans nos sociétés modernes. Le projet va à la rencontre des souhaits de participation (Teilhabewünsche) des citoyens à tous les niveaux. Le point de départ est donc individuel, mais l’objectif de l’action envisagée est communautaire. L’approche est préventive et vise à fortifier les initiatives solidaires et d’inclusion sociale en général plutôt que de traiter des problèmes sociaux individuels. Au lieu de combattre donc des symptômes, le projet vise à améliorer l’état général en matière de vie communale et communautaire, sachant que - pour rester dans l’analogie médicale - la symptomatologie s’affaiblit dans un corps vigoureux.

Durabilité et pérennité du projet:

Conformément à la philosophie LEADER, le projet vise à produire suffisamment de résultats pour que les 16 communes impliquées se décident à poursuivre l’effort et à se partager les frais pour que l’action communautaire visant l’inclusion sociale puisse perdurer. Dans un premier temps seront visées, pour une période de 12 mois, les communes du canton de Wiltz (en collaboration avec leur office social) et dans un deuxième temps les 10 communes restantes du GAL LEADER Éislek. Néanmoins, des échanges réguliers avec les offices sociaux de ladite région sont prévus.

L’inclusion sociale est un concept phare de Caritas Luxembourg[7], qui travaille dans cette optique depuis des décennies[8] dans le cadre des moyens mis à disposition. En se basant sur les résultats de la Caritas en Allemagne[9], Caritas Luxembourg s’efforcera à faire connaître le concept de la « Sozialraumorientierung » pour en faire une démarche générale au Luxembourg pour le futur. Sachant que le vieillissement de la société va de l’avant, ceci est susceptible d’intéresser les Ministères compétents et de libérer ainsi des fonds à ce niveau aussi.

Porteur du projet:

Fondation Caritas Luxembourg. Caritas Luxembourg dispose d’une longue expérience de travail social communautaire de quartier au Pfaffenthal (Atelier Zeralda). Caritas Luxembourg peut aussi recourir facilement à l’expérience de Caritas Allemagne en la matière.

Les partenaires du projet:

Les communes de la région Leader Éislek sont les partenaires principaux du projet. Il en est de même des offices sociaux, en particulier l’Office social de Wiltz et le RESONORD, en tant qu’organismes para-communaux du secteur social. Une collaboration dans la complémentarité est parfaitement réalisable vue la complémentarité des approches préventive et curative, ainsi que de l’action bénévole et professionnelle. En tant que partenaires sont également visés le Tauschkrees Norden (http://www.tauschkrees-norden.lu), différentes initiatives paroissiales ainsi que les autres services du secteur social tels que HELP, Hëllef Doheem, … .

[1] Voir aussi Cefis : Red n°20 Le vieillissement des migrants : Partir, rester, vieillir au Luxembourg - Recherche Migralux 2014

[2] Sommerfeld (2011), p.43-44

[3] GARDOU Charles, La société inclusive, parlons-en ! Il n’y a pas de vie minuscule. Lyon 2012.

[4] Cette vision, qui fait encore largement défaut dans le domaine de l’accueil et de l’accompagnement de réfugiés notamment, a été le point de départ de l’élaboration de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, à New York en 2006, qui a été un moment clé et l’origine du changement plus fondamental des conceptions en la matière. Avec la loi du 28 juillet 2011, le Luxembourg approuve cette convention et de nouvelles idées autour du concept de l’inclusion prennent tout doucement la relève de la compréhension traditionnelle de l’intégration dans le domaine de l’handicap. « La Convention relative aux droits des personnes handicapées repose sur une approche intégrée, […]. Elle innove par la volonté d’adapter les droits fondamentaux existants aux besoins des personnes handicapées, de promouvoir et de protéger les droits et la dignité de ces personnes. […] Il s’agit de promouvoir, de protéger et d’assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de garantir le respect de leur dignité intrinsèque. […] La Convention conçoit le handicap comme un phénomène social et rejette les définitions du handicap de nature médicale.» (Chambre des Députés : Projet de loi portant approbation – de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, Document parlementaire N° 6141, Luxembourg 2011 – Exposé des motifs).

[5] Ce projet ne peut se réaliser sans un financement supplémentaire de l’Office Luxembourgeois de l’Accueil et de l’intégration (OLAI) et ce cofinancement impose une concentration sur le groupe cible des étrangers, réfugiés et migrants.

[6] Le Conseil de l’Europe définit la cohésion sociale comme « la capacité d’une société à assurer le bien-être de tous ses membres, en réduisant les disparités et en évitant la marginalisation, à gérer les différences et les divisions, et à se donner les moyens d’assurer la protection sociale de l’ensemble de ses membres ». Eisléck inklusiv est un moyen de parfaire la cohésion sociale dans les communes adhérant au projet.

[7] Dans l’éditorial du rapport d’activité 2016, Mme Marie-Josée Jacobs, Présidente de Caritas Luxembourg, écrit : « Poursuivant sa mission d’agir pour l’inclusion sociale au Luxembourg et dans le monde, Caritas Luxembourg a continué en 2016 d’apporter son soutien aux personnes les plus démunies et les plus défavorisées de notre société. »

[8] Campagne mai 1991: “Eng Platz fir Jiddereen.”

[9] https://www.caritas.de/fuerpro...